Cité des électriciens – Voyage d’étude Bassin minier
LA CITÉ DES ÉLECTRICIENS À BRUAY-LA-BUSSIERE
Par Jean BOIDOT, adhérent individuel
Ce Jeudi 22 Mai il a fallu se lever très tôt pour rejoindre l’université de Saint Denis où nous attendait le car de la ville de Stains. A 7 heures presque pile il est parti pour nous transporter dans une ambiance assez animée à la découverte des cités-jardins du bassin minier du Nord. Disons que le temps était nuageux, variable mais pas catastrophique et que c’est sous une jolie lumière changeante que les premiers terrils nous sont apparus deux heures et demie plus tard.
Le périple a commencé par la CITE DES ELECTRICIENS à Bruay la Buissière à côté de Béthune. Le directeur de la cité, Olivier THIERRY, nous attendait devant un superbe bâtiment contemporain : le « centre d’interprétation de l’habitat et du paysage minier ». Il nous a présenté l’histoire du site depuis ses origines jusqu’à sa déchéance et sa réhabilitation-sauvetage récente grâce à l’inscription du bassin minier du Nord-Pas de Calais au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Une longue veine de charbon court en souterrain depuis le Sud de la Belgique. Elle passe sous Valenciennes, Lens et se termine à l’Ouest de Béthune. Elle a été découverte au milieu du 17ème siècle puis intensément exploitée jusqu’à la fermeture de la dernière mine en 2004. Cette activité a laissé de nombreuse traces spécifiques dans le Nord et le Pas de Calais : les bâtiments industriels des puits de mine, les « fosses », surmontés par les « chevalements » sur lesquels s’embobinaient les câbles qui descendaient et remontaient les mineurs et les minerais, les « terrils », collines artificielles de déchets improductifs pouvant monter jusqu’à 180 mètres, les « étangs d’affaissement », cuvettes remplies d’eau suite aux mouvements de terrain provoqués par les multiplications de galeries et enfin ces cités minières dont plusieurs sont de vraies cités-jardins. Tous ces éléments patrimoniaux ont créé un paysage tellement spécifique qu’il a obtenu après de longues tractations la labellisation UNESCO.
La très inventive scénographie du centre d’interprétation explique clairement toute cette histoire dans une démarche qui peut rappeler celle du MUS de Suresnes dans le contexte de la région parisienne. Une longue fresque décrit la transformation des paysages pendant toute la durée de l’exploitation du charbon et des maquettes comparent sobrement l’évolution de l’organisation des cités ouvrières depuis les premiers corons jusqu’aux cités « Camus » des années 50.
Après avoir présenté le contexte général du bassin minier, Olivier Thierry a zoomé sur la Cité des Electriciens en nous emmenant la visiter sous un ciel gris peu avenant. Même sans soleil, il nous a fait découvrir un bijou.
Cette cité, la plus ancienne encore existante dans le bassin minier, a été construite de 1856 à 1861 pour les ouvriers de la compagnie des mines de Bruay, l’une de ces sociétés privées qui assurèrent l’extraction du charbon jusqu’à leur nationalisation au lendemain de la deuxième guerre mondiale. Inspirée par l’habitat rural traditionnel en bande elle est disposée en « barreaux » longilignes de logements, 6 « corons » disposés le long de ruelles, les « voyettes ». De l’autre côté de la voyette chaque logement dispose d’un « carin », petite annexe abritant les latrines, une buanderie avec cheminée où les vêtements des mineurs étaient quotidiennement lavés en lessiveuses, un clapier et un poulailler. L’habitation elle-même comprend une cave, une salle commune ouvrant directement sur la ruelle et une ou deux chambres à l’étage reliées par un escalier de bois. La cuisine se faisait dans la vaste cheminée de la salle commune qui contribuait aussi au chauffage du logement
La construction en brique appareillée sobrement et sans décors est percée de hautes fenêtres avec impostes. Les toitures à double pente en tuiles sont animées par des souches en briques surmontées d’imposants mitrons de terre cuite.
L’espace entre les bandes de logements est réservé aux jardinets attribués à chaque famille de mineur.
La cité a été habitée continuellement jusqu’à la fermeture de la mine en 1979. Vétuste, dépourvue de confort, accablée par une image de misère, elle a été vidée de ses habitants et laissée à l’abandon. Il a été envisagé de la raser. Sa valeur patrimoniale était méconnue à l’époque, son délabrement rappelait les mauvais souvenirs des dures conditions de vie des générations de mineurs qui y avaient vécu. On voulait tourner la page.
Par Emma PHILIPPE, stagiaire à l’Association régionale des cités-jardins d’Ile-de-France
Nous avons eu le plaisir de visiter la Cité des Électriciens située rue Franklin à Bruay-la-Buissière. La visite a été guidée par Olivier THIERRY, directeur de la cité des électriciens. Olivier THIERRY nous a présenté la cité des électriciens, l’un des plus anciens ensembles de logements ouvriers, initiée par Jules Barbotant. Inaugurée en 1861 avec 45 logements, cette cité a été habitée jusqu’en novembre 2013 avant de faire l’objet d’un ambitieux projet de réhabilitation et de restructuration. Ce projet a débuté au moment où le bassin minier a été reconnu comme paysage culturel par l’UNESCO. La réhabilitation de la cité des électriciens vise à transformer le site en un espace multifonctionnel. Aujourd’hui, la cité est reconvertie en trois dimensions :
- Logement social : 10 logements sociaux ont été aménagés.
- Établissement ouvert au public : La cité abrite une salle d’exposition temporaire et un centre d’interprétation, donc des lieux de démonstration touristique et expériences autour de l’habitat.
- Gîtes : 5 gîtes sont disponibles, permettant une immersion dans le patrimoine minier et la culture locale. Il y a eu un travail fait avec Philippe Prost, architecte.
Olivier THIERRY a souligné que la transformation du bassin minier représente une formidable aventure pour les habitants, contribuant à revaloriser et à réindustrialiser le territoire pour lutter contre le chômage. Depuis les années 1980, une conscience patrimoniale a émergé, notamment avec le fossé d’Éloy qui abrite le plus grand musée de la mine et des mineurs en France. L’inscription du bassin minier au patrimoine mondial de l’UNESCO en 2012 a renforcé cette démarche, en valorisant un paysage culturel vivant et évolutif. Olivier THIERRY a décrit les différentes typologies de cités minières, soulignant leur importance didactique. Il a expliqué que les premiers habitants étaient des familles de mineurs, les jardins et les potagers présents dans la cité reflétaient le besoin de “respirer” après le travail dans les mines, mais aussi un besoin d’autosuffisance. Les dispositifs architecturaux incluaient des portes vertes, des sanitaires collectifs puis individuels dès 1906, des buanderies et des poulaillers. La démarche de restauration actuelle cherche à respecter et à valoriser ce patrimoine, en trouvant notamment des solutions thermiques et acoustiques adaptées aux logements modestes. La visite s’est terminée par une exposition, la thématique de l’année est le froissé défroissé, avec un travail de la dentelle, illustrant aussi une démarche d’upcycling. Les témoignages de l’époque, souvent réduits à des papiers peints superposés, ont révélé des aspects de la vie quotidienne et des pratiques de propreté. Cette visite a permis des échanges d’expériences enrichissants pour les adhérents de l’Association régionale des cités-jardins d’Ile de France et la cité des électriciens, renforçant ainsi notre réseau des cités-jardins. Cette cité-jardin se distingue donc comme un exemple emblématique de la transformation et de la valorisation des territoires miniers.
Mais avec le temps, la prise de conscience de son intérêt architectural s’est éveillée, au point de devenir un argument de premier plan dans le dossier de candidature au label UNESCO. La cité des électriciens a été sélectionnée parmi les sites pilotes et sa réhabilitation s’est enclenchée selon un programme de « conservation culturelle ».
La cité a été acquise par le bailleur social MAISONS ET CITES qui gère plus de 60000 logements sociaux dans la région. Sa réhabilitation a été dirigée par l’architecte Philippe Prost et par les paysagistes du studio Forr qui ont préservé l’organisation urbaine des maisons et des jardins.
La fonction de logement social a été partiellement maintenue : 10 logements locatifs équipés de tout le confort et agrandis par d’élégantes extensions ont été aménagés dans deux des barreaux.
Des résidences d’artistes, des espaces d’exposition de leurs réalisations, des logements témoins de la vie des mineurs, des gites d’hébergement ont été installés dans d’autres barreaux et le remarquable bâtiment du « centre d’interprétation de l’habitat et du paysage minier », qui reprend la volumétrie des barreaux est venu compléter cet ensemble à vocation pédagogique, touristique et sociale.
Le traitement paysager a été très soigné. Il respecte l’organisation des jardins où l’on retrouve les variétés autrefois cultivées par les mineurs. Des potagers sont mis à disposition des habitants. Une équipe de jardiniers les accompagne. Tous les réseaux aériens ont été enfouis. La qualité des matériaux utilisés, très simples et de provenance locale, leur mise en œuvre et leur entretien sont remarquables.
Évidemment nous avons fait cette visite en « touristes » découvrant un univers très richement revalorisé avec des moyens importants, faisant de cette petite cité un écomusée du logement social d’autrefois. Ce patrimoine délaissé que des visiteurs du monde entier aussi bien que du voisinage viennent découvrir est devenu une fierté et un modèle pour les autres cités minières. Leurs réhabilitations ont été dopées. Leurs habitants prennent ainsi conscience de l’intérêt et de la qualité de leur cadre de vie. C’est ce qu’a montré la suite de notre visite dans les cités-jardins de l’entre-deux guerres à Dourges et à Raismes. Leur organisation est proche de celles d’Ile de France mais d’une échelle bien moindre que celle des mastodontes comme la Butte Rouge, Suresnes, Stains ou Champigny.
Pour ma part je retiens de cette visite mon émotion devant un détail de la muséographie des logements témoins : la mise en évidence des couches de papier peint à motifs multicolores accumulées en superposition par des habitants à qui l’on recommandait par souci d’hygiène de retapisser régulièrement les murs de leur logement. Une stratigraphie archéologique sur des années de vie à la dure d’une touchante beauté et pieusement conservée.
Pour écrire ces lignes j’ai beaucoup utilisé les brochures de communication que la Mission Bassin Minier nous a généreusement distribuées. Elles sont remarquables de clarté et de lisibilité et pourraient servir de modèle à l’association et à tous ceux qui oeuvrent pour la valorisation des cités-jardins. Je pense surtout aux recommandations de ce qu’il faut faire ou éviter quand on y intervient pour les entretenir ou les réhabiliter particulièrement lors de la vente de pavillons au privé.
Au fait, la noble activité d’électricien était encore inconnue lors de la construction de la cité de Bruay-la-Buissière. Ce sont les noms des inventeurs célèbres (Ampère, Volta, Edison, Faraday etc.…) donnés aux voyettes par des édiles érudits du vingtième siècle qui lui ont valu cette belle appellation ! Peut-être ont-ils été influencés par « la fée électricité », l’immense peinture de Raoul Dufy pour l’exposition universelle de 1937 à Paris où figurent tous ces savants. On peut l’admirer au musée d’art moderne de la capitale.
Pour en savoir plus :
- Site de la Cité des électriciens